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Peinture - Arts - Page 2

  • Jean Pierre PINCEMIN (1944 - 2005)

    Pincemin 1944-2005.jpgJean Pierre PINCEMIN (1944-2005)

    Jean Pierre Pincemin est décédé jeune à la suite d'un accident pulmonaire. Il n'avait que 61 ans. Quelle trajectoire rapide entre le 7 avril 1944 et le 17 mai 2005. Il n'avait guère d'affection particulière pour l'école, sans doute l'aurait-il préférée buissonnière. Sa formation le conduira vers l'industrie mécanique de précision, il sera tourneur. Comme François Dilasser, mais étant d'origine d'origine parisienne, il "sèche" les cours le vendredi pour s'en aller à la découverte du musée du Louvre qu'il fréquentera assidûment 

    Au sortir de l'adolescence, il voulait être critique d'art. Mais c'est la rencontre avec le galeriste Jean Fournier (aucune parenté avec moi!), qui avait une petite maison proche de celle de ses parents qui l'encouragea dans l'idée qu'il pouvait devenir peintre. Pincemin est un peintre autodidacte qui se nourrit de toutes les tendances qui fleurissent dans les années 60.

     (Voir album Photos en marge du Blog)

    Premières expositions à partir de 1968.

    De 1968 à 1973, il se lance dans les "carrés collés" : la toile est plongée dans des bains de teinture, découpée et assemblée en figures géométriques irrégulières, carrées ou rectangulaires.

     

    Il cherche et trouve sa voie par de rigoureuses expérimentations, il ne faut pas oublier que c'est le début du minimalisme aux États-Unis, tandis qu'en France ce sont les prémices du groupe Supports-Surfaces auquel il participera à partir de 1971, mais qu'il quittera pour des raisons politiques. Claude Viallat, Acrylique sur bâche rayée, 2001..jpg

     

     

     

     

     

     

    Claude Viallat, Acrylique sur bâche rayée, 2001.

     

    Ce mouvement affirme la réalité physique du tableau, commencée par Matisse avec ses papiers découpés, poursuivie par la nouvelle abstraction aux Etats-Unis, et en France par Simon Hantaï ou Claude Viallat.

    Simon Hantaï Tabulas 1972.jpg                                           Simon Hantaï Tabulas 1972

    A la fin des années 1990, Pincemin avait décidé de "tout balayer et tout assimiler", mélangeant de plus en plus les genres, les styles, les supports, les techniques. Il a exécuté des sculptures polychromes à l'aide de morceaux de bois peint,

    Il s'était également mis à peindre des sujets religieux, des scènes de genre et des portraits, car il aimait travailler par série pour pousser au plus loin les variations possibles sur un même thème. Il n'hésitait pas à revenir sur des séries après quelques années.

     

    Il a gardé l’esprit d’une ouverture à de nouveaux possibles de la peinture, l’esprit d’invention toujours en alerte. Il était devenu le spécialiste le plus aventureux des techniques dites mixtes. Pour cet artiste électique, la distinction entre figuratif et non figuratif n'avait ni sens, ni importance.

     







    Je ne peux que vous inviter à aller regarder le film (15') de Claude Mossessian dont voici le lien :

    https://vimeo.com/10520679

    Jean Pierre PINCEMIN

    Un film de Claude Mossessian
    © Claude Mossessian

    Ateliers
    Entretien réalisé par Gilles Tissot
    Eté 1991

    Version restaurée à l'occasion de la rétrospective Jean-Pierre PINCEMIN au Musée d'Art Moderne de Céret du 26 juin au 10 octobre 2010


     



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  • Les Îles Sanguinaires... le film

    Bonjour à tous.
     
    Prenez 6 minutes, guère plus, pour regarder ce film sur les Îles sanguinaires que Jacques Burtin a eu la gentillesse de monter. Imaginez-vous en Corse face à ces îles durant une journée de beau soleil...
     
    Voici le lien pour le visionner.        https://vimeo.com/144876600
     
    CONSEILS pour une lecture optimale du film :
     
    1. Mettre en PLEIN ECRAN en cliquant sur le symbole des quatre petites flèches en bas à droite de l'écran Vimeo;
    2. Le film est en HAUTE DEFINITION. S'il y a des interruptions de son ou d'image, c'est soit que votre ordinateur ne lit pas la haute définition, soit que votre débit Internet est (temporairement ou en permanence) trop faible. Il faut alors ôter l'option "Haute Définition" en cliquant sur les lettres "HD" (à côté des quatre petites flèches). Le film peut alors être vu en définition courante, moins bonne mais acceptable.
     
    Bon film.
    Dominique

  • Claude LAGOUTTE (1935-1990)

         &.jpgNé en 1935, à Rochefort-sur-Mer en Charente -Maritime, Claude Lagoutte est mort en 1990 à Paris. Entre ces deux dates, nous allons à la rencontre d'un artiste voyageur, d'un homme qui aimait marcher, d'un paysagiste infatigable et d'un globe-trotter amoureux de spiritualités.

         Il semble autodidacte. Quelques visites au Louvre, lorsqu'il vient voir sa tante Suzanne à Paris, agrémentent ses séjours dans les années 50.

         En 1953, il peint des paysages charentais, renonce à des études d'architecte et entre à l'Ecole du Service de Santé de la Marine de Bordeaux. Quatre années d'études lui permettent d'obtenir son diplôme de pharmacien.

         En 1958, il découvre les peintres Kandinsky et Klee. Premières peintures abstraites. La même année, il entre à l'Ecole d'Application du Service de Santé des Troupes Coloniales.

         Pendant près de vingt ans, jusqu'en 1977, il va ainsi parcourir le monde. En poste dans différents pays aux quatre coins de la planète... Laos, Afrique, Tunisie, Turquie... etc... etc... Il revient de temps en temps à Paris, où il se pose et peint avant de repartir.

        En 1969, il achète un "studio-atelier" dans le quartier de Montparnasse à Paris.

          En 1970, il se marie à Bordeaux avec Françoise, ils auront trois filles : Marie, Hélène et Louise.

         Au cours de ces séjours à l'étranger, il dessine et réalise ses carnets de voyage (véritables trésors d'observation et de maîtrise). Il engrange peu à peu tout "le matériel" qui lui servira pour ses futurs travaux.38.jpg

         

     

     

         En 1976, date importante, il opère dans son travail une rupture radicale et décisive : il délaisse le châssis du tableau pour une technique nouvelle, celle de papiers et de toiles découpées et cousues. L'année suivante, à 42 ans, il est admis à prendre sa retraite, le voilà désormais "libre de vivre à plein temps sa vocation de peintre".

     

     

     

     

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        Tantôt seul, tantôt accompagné de Françoise, il continue à voyager, loin : au Népal, au Cachemire, en Turquie, en Inde où il fera plusieurs séjours... ou dans des contrées plus proches : les Pyrénées, la Suisse, l'Angleterre...

         Dans les intervalles, il se pose, oserait-on dire, dans son nouvel "atelier-appartement" parisien (Bastille -1979), afin de travailler.Il peint beaucoup, il taille, il découpe et coud des mètres et des mètres de toiles. On est admiratif devant tant de créations. Claude Lagoutte participe à de très nombreuses expositions personnelles et collectives, tant en France qu'à l'étranger.

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         On sent que les dernières années de sa vie le rapproche d'une certaine quête spirituelle (peut-on le penser ?), elle se concrétisera au contact de religieux catholiques (dominicains, en particulier avec le Père Laval, op.), de bénédictins (Abbaye de Saint Wandrille) ou de moines de confession orthodoxe (Voyage à l'Athos en Grèce en 1988).

     

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         La fin approche. Malade, il entre en maison de repos sur le plateau d'Assy et meurt quelque temps après, le 18 juillet 1990, à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, à l'âge de 55 ans.

     

    Pourquoi j'aime particulièrement le travail de Claude Lagoutte ?

    J'ai eu l'occasion de rencontrer le travail de Claude Lagoutte tout à fait fortuitement, il y a cinq ans environ, lors d'une visite de la chapelle du couvent Saint-Jacques des Dominicains de la rue des Tanneries dans le XIIIe arrondissement de Paris. Vers la fin de sa vie, par amitié et en particulier celle qu'il vouait au Père Jacques Laval, Claude Lagoutte avait offert un devant d'autel (réalisé en 1986) que les religieux ont placé dans une chapelle latérale. Les tons, la matière, la texture, l'écriture, tout était réuni pour faire de ce travail un véritable choc pictural et émotionnel.

    Je voulais en savoir plus. N'ayant jamais entendu parler de cet artiste auparavant...

    De fil en aiguille et c'est le cas de le dire avec le travail de Claude Lagoutte, j'ai commencé à chercher sur internet. Les informations étaient particulièrement intéressantes. Mais je voulais passer du virtuel à des éléments plus concrets. J'ai donc acheté quelques livres et recueilli certains articles qui avaient été écrits sur lui, puis acquis les livres qu'il avait lui-même écrits sur ses récits de voyage.

     

    Celui qui m'a donné le plus d'informations est sans conteste le magnifique catalogue qui a été édité lors de l'exposition à Bordeaux en 2008. J'ai malheureusement manqué cette exposition pour laquelle j'aurais sans aucun doute fait le voyage.

    En 2013, une autre exposition sur Claude Lagoutte a lieu à la Galerie Convergences/ Galerie Intuiti dans le IVe arrondissement à Paris. Là encore, je me suis réveillé un peu tard...  Par chance, j'appelle cette galerie qui accepte un rendez-vous dans la semaine qui suit, puisque certaines œuvres étaient encore accrochées aux cimaises de la galerie. Il est toujours difficile de rendre compte d'une émotion que l'on a, lorsque l'on est en contact direct avec le tableau. On regarde et on se laisse imprégner par ce que l'on voit. Tout simplement. Nous avons été admirablement accueillis à tel point que, devant notre intérêt, le propriétaire de la galerie n'a pas hésité à nous emmener dans ses réserves et a ouvert un certain nombre de caisses dans lesquelles les œuvres étaient déjà entreposées pour un prochain voyage. Souvenir inoubliable. Il y a des moments de grâce dans la vie...

     

    Il y a deux mois, j'ai évoqué le travail de Julius Bissier. Cette peinture minutieuse, attentive, faite de transparence et d'un raffinement extrême. On retrouve chez Claude Lagoutte les mêmes qualités. Autre point commun : les toiles de Bissier avaient cette particularité d'être peintes à plat sur sa table, c'est à dire sans châssis et hors du chevalet. Ici, avec Claude Lagoutte, on va encore plus loin puisque la toile elle-même est découpée, puis recousue. A ce stade, on est proche de ces artistes du mouvement Supports/Surfaces. qui ont délaissé le châssis. Ils prennent à bras le corps la toile... (On en reparlera avec Pincemin le mois prochain.)

    Il y a aussi, je trouve, dans le travail de Claude Lagoutte une certaine spiritualité. Cette spiritualité ne l'écarte pas bien sûr d'une prise réelle sur la réalité. Elle ne désincarne pas son travail, bien au contraire. Je ne pense pas d'ailleurs que chez lui il mettait Dieu au centre. Vers la fin de sa vie, il aura une autre relation avec Lui. Ne lit-on pas dans un de ses écrits : « La perfection géométrique était le chemin de Dieu. Dans notre civilisation, la géométrie n'est plus l'image de Dieu. Est-ce le geste ? ». Claude Lagoutte, lui, participe à ce geste. Il est dans le geste qui fabrique sa toile.

    Autres œuvres : Comment ne pas être sensible à ces immenses rouleaux peints, travaillés jusque dans leurs fibres, cousus avec une patience infinie qui se déroulent sur des mètres et des mètres, qui finissent par ressembler aux manuscrits que les moines transportaient de monastères en abbayes et qui au fur et à mesure du voyage s'allongeaient suite aux informations ou aux recommandations que l'on ajoutaient. Ils cousaient les peaux les unes après les autres...

    Enfin, quel dessinateur ! Il n'avait pas besoin d'emporter un appareil de photos pour mitrailler à outrance ce qu'il voyait. De ses nombreux voyages il a rapporté des carnets de croquis qui sont absolument sublimes. Quel invitation à faire de même.

     

    Sa peinture est une écriture et c'est certainement cela, qui inconsciemment me marque le plus. « L'art est une relation flottante entre le signe et le sens. » « Dessiner l'écrit et écrire le dessin ». Ce sont chez lui des idées fortes qu'il a mises en action toute sa vie.

  • François DILASSER (1926-2012)

    François DILASSER (1926 – 2012)

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    C'est en 1926, à Lesneven en Bretagne, que naît François Dilasser. Comme le père de Jean Dubuffet, le père de François travaille aussi dans le milieu du négoce de vin.

    Jusqu'à l'âge de quarante ans, il exercera différentes professions... Mais il n'oublie pas que dès son plus jeune âge le dessin, l'attrait des couleurs sont pour lui comme une seconde nature. Il aimait recopier des illustrations qu'elles soient de l'Écriture Sainte ou des images de tableaux de peintres célèbres. Quelques cours auprès d'un peintre local, mais sans suite...

    Il faut bien faire vivre la petite famille. Mais pour lui, peindre ou dessiner n'est pas un loisir, mais une quête personnelle profonde qui l'occupait tous ses temps libres. François Dilasser est un autodidacte, et c'est dans ces heures arrachées au travail professionnel qu'il progresse et cherche son chemin... La peinture est en quelque sorte un refuge et l'aide à surmonter de douloureuses épreuves comme le décès de sa première épouse.

    En 1943, il découvre une reproduction du Cheval blanc de Gauguin. Coup de foudre pour les couleurs, la mise en page... Un vraie révélation...

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                                                          Le cheval Blanc - Gauguin

    En 1958, nouvelle révélation avec la peinture de Bissière (1886-1964). Une sincère et discrète amitié s'établira au fil des années. Il abandonne les pinceaux quelque temps pour un travail de toiles qu'il découpe directement dans la couleur, puis les assemble. Souvenir de Matisse. Il voue une réelle admiration pour l'École de Paris, Manessier, Le Moal, Tal Coat... Il se cherche et le retour aux pinceaux ne tarde pas.

     Bissière - NocturneCapture01.jpg

    En 1966, il sent qu'un changement radical de vie doit s'effectuer. Ses heures à l'atelier se feront de plus en plus nombreuses. La peinture s'impose à lui et il n'y aura, dès lors, plus de retour en arrière sinon ce seul sentiment :

    « J’ai parfois le sentiment qu’en peignant je cherche à retrouver ma propre naissance, à retrouver l’origine ».1

     

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                                   Les pélerins - 1990

     

     

    François Dilasser travaille par cycles, par séries. Cent fois, il remet en chantier ce qu'il a peint la veille. Les photos des murs de l'atelier en sont le témoignage. Il y aura ainsi les jardins, les veilleurs (1991), les mains (au cours de l'été 1997), les têtes (1998 reprises des années 1971), les arbres (1999, série déjà apparue en 1993), les comètes...

    De nombreuses expositions jalonnent ces années. Elles ont surtout eu lieu à Paris et en Bretagne.

    « Je me peins moi-même, c’est ce qui me fait vivre »

     

    Comme on peut le voir, il est des peintres dont la biographie ne se laisse tracer que par quelques dates qui jalonnent une vie modeste mais, ô combien, attachante. Celle de François Dilasser appartient à celles-ci.

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    Sans Titre - Déc. 1986

     

    Les éditions Le Temps qu'il fait ont publié quelques livres illustrés par François Dilasser, dialogue texte/images avec des amis, comme Jean Pierre Abraham (Lettre à François Dilasser) ou Paul Louis Rossi (Inscapes). D'autres, plus intimes, avec Antoinette Dilasser : D. et Journal hors temps. Entre autres...

    François Dilasser s'est éteint en 2012, après une longue maladie. La Passe, journal écrit par Antoinette Dilasser évoque admirablement les dernières mois vécus auprès de son mari.

     

    Ouvrages sur François Dilasser :

    DILASSER. René le Bihan Éditions Palantines. 210 pages.

     

    DILASSER. Jean-Marc Huitorel. L' État des Lieux / Galerie Clivages. 86 pages

     

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  • Julius BISSIER (1893 - 1965)

         Cette biographie s'inspire des extraits du Journal de Julius Bissier et d'ouvrages consacrés à l'artiste, en particulier ceux de Werner Schmalenbach, André Kuenzi et Marie-France Poiret.

     

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        C'est en 1893, dans une petite ville de Haute Rhénanie, Fribourg-en-Brisgau, que naît Julius Bissier. Ses parents sont d'origine modeste. Malheureusement, son père meurt alors qu'il n'a que 14 ans.

        Il poursuit ses études au gymnase de Fribourg-en-Brisgau. À l'Université de cette ville il entreprend des études d'histoire de l'art qui seront assez brèves avant de s'inscrire à l'École des Beaux-Arts de Karlsruhe. Nous sommes alors dans les années 1913-1914, juste avant que n'éclate la guerre de 1914.

        Déclaré inapte au service, Bissier est versé au service du bureau de censure, où il restera jusqu'en 1917. Ces premières peintures datent de cette époque. Il en détruira un certain nombre estimant qu'elles ne méritaient pas d'être gardées. Il s'agissait principalement de paysages et de sujets religieux...

       1919 est une année importante dans sa vie, puisqu'il verra, chez un commerçant de Fribourg-en-Brisgau, ses premières œuvres exposées en vitrine et appréciées des passants. Par ailleurs, il fait la connaissance de Ernst Grosse qui est sinologue. C'est lui qui l'initiera à la pensée et aux arts de l'Extrême-Orient. Cette rencontre est vraiment capitale. Cette amitié durera jusqu'en 1927, année de la mort du sinologue.

        1920, première exposition personnelle à Fribourg-en-Brisgau : beau et franc succès. Il se marie en 1922 avec Lisbeth Hofschneider, rencontrée deux ans plus tôt. Il a 29 ans.

        L'année 1923 voit sa participation à une exposition au Kunsthaus de Zurich où il présente seize toiles. Toiles qu'il va détruire à la hache (!) à leur retour. En effet Julius Bissier est en proie à une première et profonde dépression. (Des angoisses et des peurs qui le poursuivront sa vie durant...) Il s'éloigne désormais des paysages et des sujets religieux pour rejoindre un monde « plus intérieur ». Il veut faire une peinture qui lui ressemble davantage, car il a l'impression d'être dans une impasse.

        Naissance sa fille Dorothée en 1926 et de son fils en 1928.

       En 1929, il découvre les premières peintures de Picasso, Klee, Léger... Le monde de l'abstraction vient à lui par l'intermédiaire du peintre Baumeister. Jusqu'en 1933 il enseigne à l'Université de Fribourg-en-Brisgau.

    Rencontre essentielle à Paris avec Constantin Brancusi en 1930. Il prend la décision d'arrêter la peinture pour se consacrer exclusivement à des encres de Chine abstraites dont le développement se poursuivra jusqu'à sa mort.

        Encore une rencontre importante, celle du peintre Osckar Schlemmer. Une profonde affinité unira ses deux artistes jusqu'à la mort de ce dernier en 1943. Important échange de lettres.

        Deux événements terribles assombrissent cette année 1934, le premier, celui de la mort de son fils qui va périr dans l'incendie de l'atelier de Julius, incendie qui verra aussi disparaître presque toute son œuvre... Le second est la montée du nazisme. Il est alors considéré comme faisant partie de ces peintres dits de « l'art dégénéré »... Il n'a plus d'atelier pour travailler, il se sent traqué, il vit replié sur lui-même. Il passe des heures à jouer au violoncelle et ses nuits à tenter de peindre. Heureusement, l'atelier de tissage de sa femme leur permet de vivre et il assure la comptabilité de la petite entreprise familiale.

        Entre 1935 et 1938, plusieurs voyages le conduisent en Italie.

    En 1937, il fait la connaissance de l'œuvre du mythologue Johann Jakob Bachofen. Ce spécialiste de l'Antiquité et de sa symbolique funéraire offrira à Julius Bissier un véritable réservoir de signes symboliques qui enrichiront ses propres tableaux.

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        Mais la guerre est là, nous sommes en 1939. Malgré un déménagement à Hagnau sur les bords du lac de Constance, ses peurs reviennent. En 1943, il abandonne presque complètement la peinture. En 1945, les troupes françaises envahissent Hagnau et prennent logement chez lui...

     

        Heureusement les vingt prochaines années du peintre sembleront plus calmes. Cela commencera par une coopération familiale autour du tissage. En 1947, Dorothée, sa fille, tisse un tapis de plumes d'après des figures symboliques créées par son père. Puis Julius acceptera (entre 1949 et 1952) que sa femme tisse, à son tour, des projets de ses œuvres, mais à un seul exemplaire !

        Il pressent aussi la réapparition de la couleur dans son œuvre. De nombreuses expositions viendront scander le rythme de ces années.

        En 1956, il a 65 ans. Voici « l'œuvre ultime » de Julius Bissier, celle qui nous est la plus familière, faite de miniatures et d'aquarelles.

    C'est une œuvre qui s'inscrit dans une quête spirituelle, voire « métaphysique ».

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    Il séjourne à Ascona, petite ville de pêcheurs sur les bords du Lac Majeur. Il éprouve une certaine attirance pour ce lieu et finira par s'y établir en 1961. Une petite pièce de six mètres carrés lui sert d'atelier. Il retrouve là une certaine sérénité, rejoue de son violoncelle qu'il avait délaissé depuis la guerre. Les plus belles œuvres seront réalisées dans ce climat de paix.

        Les amitiés des dernières années sont nombreuses, tant avec Jean Arp, Mark Tobey.

        À partir de 1961, l'œuvre de Julius Bissier passe les frontières et se fait connaître d'un plus large public par de très nombreuses expositions internationales, qu'elles soient personnelles ou collectives.

       Il meurt le 18 juin 1965 à Ascona.

     

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    A la rencontre d'une oeuvre...

    Préambule.

        Je n'ai jamais rencontré Julius Bissier. Mais peut-être nous sommes-nous croisés dans les ruelles d'Ascona ou de Ronco, villages des bord du lac Majeur dans le Tessin ? C'était malheureusement sans le savoir... En effet, entre 1963 et 1965, nous passions nos vacances en famille dans le Tessin et plus précisément à Ascona. Julius Bissier, lui, y venait régulièrement depuis 1961 avant d'y habiter définitivement en 1965. Mais je pense que j'aurais été un peu jeune pour apprécier sa peinture, car à cette époque je n'avais qu'une petite dizaine d'années...

     

     

    Pourquoi la peinture de Julius Bissier est-elle pour moi un réel enchantement ?

        J'ai découvert son œuvre assez tardivement (pur hasard ?) : C'était en 1993, lors de l'exposition montée par la Galerie Claude Bernard, rue des Beaux-Arts à Paris. J'ai pu alors me rendre à Paris pour admirer l'ensemble des travaux présentés, mais surtout en garder un souvenir mémorable en achetant quelques catalogues. Les calligraphies à l'encre de Chine ont été surtout une véritable révélation.

                                                                              c

        Pendant plusieurs années, j'ai aussi travaillé cette forme d'expression qui met en relation la feuille de papier, le pinceau et la main.

     

     

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    "Les clefs du Réel"   (extraits)  poème de Jean Malrieu

    Illustration D. Fournier. 1990   16 x 16 cm

     

    "Demande aux arbres s'ils connaissent sa présence.
         Depuis qu'ils vivent sur les routes, leur mémoire est grande 
    et dans l'aubier, 
    faite au couteau, dort la vieille cicatrice 
        qui rend plus vif le feuillage et plus vert le chant de l'oiseau."
                                                                        (...)

     

     

    Voici deux ou trois exemples... l'illustration du recueil « Les clefs du Réel » de Jean Malrieu,

     

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    "Les clefs du Réel"(extraits) poème de Jean Malrieu

    Illustration D. Fournier. 1990   8 x 16 cm

     

    "Un jour,
    Tu comprendras le geste de la rivière qui t'apporte
        comme un chien couché
    Tous les galets de la montagne."
                                                                       (...)

     

     

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    "Les clefs du Réel" (extraits) poème de Jean Malrieu

    Illustration D. Fournier. 1990   16 x 16 cm

     

    "J'ai gravé mon nom sur le tronc noueux
    et la sève de sa blessure a porté l'appel à la cime.
           C'est pourquoi les feuilles l'ont chanté.
    J'ai des amis dans les nuages, capitaines du charroi des ombres."
                                                                       (...)

     

    mais surtout, point culminant, la réalisation des Variations Dominique, rencontre musico-picturale avec les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach (Cf. dossier photos)

      c

    Voici une anecdote vécue en lien avec la calligraphie.

        Quand nous sommes allés à Pékin en 1999, un jour de promenade dans l'un des nombreux parcs de la ville, nous avons remarqué un petit attroupement de quelques hommes dans les allées dallées d'un jardin public. Que se passait-il ? Ils parlaient avec véhémence. Nous nous sommes approchés discrètement et là, à notre grande surprise, ils discutaient autour d'un idéogramme dessiné sur une dalle en ciment avec un chiffon mouillé enroulé au bout d'un grand bâton en guise de pinceau. Le maître montrait à l'élève que le vide qu'il avait crée dans la partie inférieure de l'idéogramme n'était pas proportionné avec la partie supérieure. Tout un art. Il fallait arriver à la forme parfaite. Le vide et le plein, le yin et le yang. L'élève redessinait alors le même caractère sur une autre dalle, sous le regard attentif et scrutateur d'autres hommes plus ou moins critiques. Chacun y allait de son avis... Nous sommes restés longtemps à admirer cette leçon d'écriture en plein air.

        Oui, quelle leçon aussi pour nous. Nous ne connaissions pas le nom de cet idéogramme, mais on pressentait clairement ce que voulait le maître, sur l'endroit, où précisément il attirait l'attention de l'élève. Je crois que l'œuvre de Julius Bissier se plaçe dans une attitude identique. Atteindre la perfection, entre le plein et le vide. Le noir et le blanc. Toute sa vie, il a été tendu vers ces sommets de la perfection, les atteignant de temps en temps. C'est alors qu'il signait ses travaux, d'une date et moins de son nom, tel un sceau. Ces dates deviennent dès lors les titres de ses dessins.

     

        On a souvent parlé du travail de Bissier avec une approche monastique, une sorte de « travail de moine », nourri de spiritualité. Il faut s'entendre, à mon avis, sur le mot de spiritualité, qui au sens large rejoint davantage ici les grandes lignes du livre de Kandinsky du « Spirituel dans l'Art ». Cette spiritualité s'exprimerait aussi, à mes yeux, plutôt par des conditions de vie qui sont proches d'une certaine ascèse involontaire. 

        Les conditions de vie rencontrées au cours de sa vie ont souvent été douloureuses. Une certaine pauvreté l'a accompagné jusqu'à la soixantaine passée... L'exiguïté de son atelier, aussi, quelques mètres carrés, influença certainement le format réduit de ses travaux... Enfin, une fragilité psychologique, d'où une dépression chronique n'était pas absente. (La disparition de son atelier et de tout son travail dans l'incendie en 1934 ont dû être pour lui des épreuves terribles.) Mais au milieu de cette simplicité de vie et de ces remises en question, il cherchait... Il « expérimentait » dans la solitude et c'est là qu'il finit par trouver.

       Son oeuvre se partage entre ces "Encres" et ces "Miniatures". (Cf. le dossier : album de photos)

    Le noir de l'encre de Chine et le blanc du papier furent pendant de très longues années ses seuls moyens de créations (depuis 1930). Il fabriquait ses pinceaux et peut être même son encre à partir de pigments...

      Les miniatures relève de la même gestuelle. De la même délicatesse. 

    C'est une poésie peinte, parfois avec l'intégration d'une lettre peinte dans cet univers de formes plus ou moins abstraites. Chaque tableau s'anime de la rencontre de couleurs en camaïeu dans l'abstraction. Une invitation au rêve.

        Je ne peux m'empêcher de voir un équilibre parfait dans la relation entre ces masses de couleurs. Elles jouent entre elles. Subtilité des couleurs délavées et transparentes, Rétentions d'eau et d'aquarelle, traversées par un filet d'encre. Ces Miniatures nous prennent par la main pour une promenade visuelle. Les Encres par contre, elles, se saisissent d'emblée.

       Personnellement, je retrouve la même solidité formelle que celle que l'on peut éprouver devant les toiles de Morandi, avec l'absence de perspective en plus.

      Toiles d'enchantement qui ne se satisfont d'aucun artifice. «Le travail du moine-peintre» est dans cette épuration qui l'a conduit à l'essentiel.

     

                                    c