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Willy ANTHOONS (1911 - 1982)

Une courte biographie...

Willy Anthoons est né en 1911, le 25 mars à Malines, en Belgique. Sa mère et son jeune enfant de trois ans quittent en Août 1914 la Belgique pour l'Angleterre. Certains traits de sa personnalité resteront marqués par ces quelques années Outre-Manche. Revenu à Bruxelles avec ses parents il poursuit sa scolarité à la célèbre Ecole Saint-Luc, puis à l'Académie des Beaux-Arts d'Ixelles.

A partir des années 30 il ne cessera de sculpter et ce, même pendant son service militaire où il obtiendra quelques bienveillances de ses supérieurs.

Il se marie en 1935 et aura deux enfants.

Puis vient la guerre de 40, il est mobilisé, tombe malade, et est envoyé en Ardèche où il séjourne 5 mois. Ce sont pourtant des moments d'intense création.

De retour en Belgique, il participe à ces mouvements créatifs qui apparaissent, devenant en 1945 le co-fondateur de la Jeune Peinture Belge, lui, le seul sculpteur du groupe.

En 1947, exposition au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.

En 1948, à Paris, il rencontre et se lie d'amitié avec un certains nombre d'artistes, tels Gilioli et surtout Vitullo. On sent à partir de ces années-là un détachement de la forme figurative pour aller vers une certaine abstraction.

Au cours des années 50, il voyage dans toute l'Europe. Son style s'affirme et enrichit son cercle d'amis avec des artistes comme Jean Arp, Calder, Alechinsky  et Manessier. Beaucoup d'expositions dans ces années-là...  C'est aussi à cette période qu'il découvre le mobile, découpé et plié dans des feuilles d'aluminium et suspendu par des fils de nylon. Magie de l'équilibre qui le fascinait.

Dans les années 60, il commence à enseigner les Arts plastiques à l'Ecole Estienne à Paris. Cet enseignement se poursuivra jusqu'en 1975. 

Malheureusement, la maladie de Parkinson le frappe en 1968. C'est une longue période de quatorze années, où il voit ses forces physiques diminuer et cela n'ira qu'en s'aggravant. Une très belle exposition en 1977 à la Galerie Ariel à Paris présente un magnifique ensemble de la production de ses dernières années. Ultime rétrospective de son vivant.  De son atelier à Charenton-le-Pont, il sort de moins en moins, mais continue à travailler, à dessiner quand la maladie lui laisse quelque répit dans la journée.

Il meurt en décembre 1982.

On doit en 2012 à Monsieur Daloze, l'édition d'une très belle monographie sur Willy Anthoons. "Willy Anthoons - L'esprit de la matière. 2012. 160 pages. Galerie Philippe Samuel.

Ouvrage bilingue français - flamand vraiment remarquable et indispensable sur l'ensemble de l'oeuvre d'Anthoons. 

           

On peut se reporter à l'album photo déposé en marge du blog en marge pour avoir un aperçu de son oeuvre sculptée.

 

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Mes souvenirs personnels avec Willy Anthoons.

          La première fois que j’ai rencontré Willy Anthoons, c’était il y a un peu plus de trente ans. Assis derrière un grand bureau, il faisait passer les oraux du concours d’entrée à Estienne. J'arrivais de province et étais facilement impressionné face à cet aréopage de professeurs, qui tous, chacun dans leurs spécificités, nous ont marqués de leur enseignement très professionnel.

       Anthoons, comme on l’appelait familièrement entre camarades, semblait le plus âgé. Nous avions une vingtaine d’années, lui avait déjà une bonne soixantaine : Cheveux poivre et sel, petite moustache bien taillée et surtout l’œil attentif derrière des lunettes d’écaille pendues à un fil autour du cou. Je ne sais combien d’années il a enseigné à Estienne, mais il a achevé sa carrière d’enseignement en 1974 avec notre promotion. La maladie de Parkinson qui le minait depuis quelques années l'obligea à arrêter définitivement son enseignement. Nous avons donc été ces derniers élèves.

 

        Tout le corps professoral s’accordait à reconnaître un certain génie dans son enseignement (son cours avait pour nom « la troisième dimension »), mais je n’ai jamais réussi à savoir en quoi on trouvait ce cours génial ! Est-ce la nouveauté de l’enseignement ? Sa pédagogie ? Que sais-je encore ? J’ai le souvenir que beaucoup d'entre nous ne prenaient pas très au sérieux ce cours dispensé le lundi matin en début de matinée. Etait-ce l’heure trop matinale ? Quatre heures qui tournaient parfois au doux chahut. Ce n’est pas qu’Anthoons ne maîtrisait pas la situation, mais il n’arrivait pas à se faire comprendre de ses élèves. Aucun cours ex cathedra, la relation s'établissait dans un subtil dialogue entre l’étudiant et son professeur, autant dire que les autres attendaient pour savoir quoi faire… Son enseignement était tout en subtilité et en nuance. C'était du genre : comprendre comment deux volumes sont mis en relation lorsqu’une ombre plus ou moins claire les sépare ou les rapproche.

        J’ai souvenir qu'un jour il s’est extasié devant le talon aiguille d’une chaussure de femme apparaissant sous le bas d’un pantalon… d’un côté la courbe dessinée et de l’autre le vide découpé… Il n'y avait rien de fétichiste dans cette « vision ». Simplement il avait cette habitude de tout penser dans l'exact équilibre qu'il peut y avoir entre un vide et un plein.

           Chez lui, tout était simplement du domaine de l’inter-relation : les objets et leur relation à la lumière. Oui, la lumière tenait une grande place dans sa manière d’appréhender les choses et peut-être même une certaine philosophie du regard. Éclairage par devant, éclairage par derrière. Comment la lumière frôle une matière ou une surface et peut la faire « chanter ». C’était sûrement là que résidait son génie, mais nous étions encore trop jeunes pour en percevoir toutes les finesses.

          Je pataugeais aussi et n’étais certainement pas meilleur que les autres, mais une certaine connivence s’était installée entre nous au fil des mois, surtout à partir de l’exposition qu’il avait faite à la galerie Ariel, en avril 74.

 

          Un jour, à la fin d'un cours il vînt vers moi de manière très douce, comme d'habitude et prononca ces quelques mots:

  • « J'ai l'impression que mon exposition vous a plu, est-ce que vous aimeriez venir travailler pour moi et avec moi à la maison, le samedi après midi ? Ainsi, vous m’aideriez dans la finition de mes sculptures. Je n’ai plus la force. »

  • « Bien sûr, ai-je répondu immédiatement. »

 

          Quelques semaines plus tard, je me rendais à Charenton. C'était assez loin de là où j'habitais à l'époque, mais la démarche était grisante et intimidante en même temps. Au 6 de la rue Thiébaud, il habitait avec sa femme une petite maison un peu triste d’un étage sans grande fenêtre sur rue. Pas de sonnette électrique, mais une petite roue placée au centre de la porte que l’on faisait tourner et qui faisait un petit drrringgg, comme un jouet d’enfant. La porte s’entrouvrait, et Madame Anthoons, d'une gentillesse exquise accueillait son hôte avec beaucoup de douceur. Sa voix inimitable était reconnaissable entre toutes. On entrait par le garage, où de hautes sculptures en bois et en métal étaient recouvertes de draps pour les protéger de la poussière et peut être en attente d'une future exposition... On tournait à gauche et on entrait dans la salle à manger. (Cette maison était un immense atelier lumineux avec juste une chambre en mezzanine, la salle à manger et une cuisine placée en dessous.) Ce qui était amusant, c’est que la séparation entre la salle à manger et l’atelier se faisait par deux grandes toiles de plastique transparent jointes qui laissaient passer la lumière, et qu’il fallait soulever pour passer d’un lieu à un autre. L'ensemble de la maison était simple et bien conçu.

          L’atelier, lui, avait une immense fenêtre qui donnait sur un jardin clos de mur, où je pense Anthoons devait travailler en été quand il était plus jeune. Mais nous n'y allions pratiquement jamais.

          J'ai malheureusement connu Anthoons dans la phase avancée de sa maladie de Parkinson, celle-ci l’empêchait de se déplacer quand il le souhaitait. Anecdote. Comme beaucoup d'artistes, il avait un sens affiné de la débrouille et il avait eu l’idée fort ingénieuse de fixer sur sa canne, à une vingtaine de centimètres en bas de celle-ci, une sorte de repère en métal récupéré je ne sais où. Pour lui, cela représentait symboliquement la hauteur d’une marche. Ainsi, avant d’aborder un escalier ou même de faire le premier pas, il disait penser fortement à cette hauteur matérialisée sur sa canne afin que son cerveau commande la levée de la jambe. Il lui arrivait aussi de rester immobile pendant quelques secondes, debout et sans pouvoir faire un geste, au risque de tomber. On avait peine pour lui et puis, quelques minutes plus tard, assis dans son fauteuil, il retrouvait un réel plaisir à partager sa conversation. Dans la maladie de Parkinson, seules les cellules nerveuses sont touchées et ne sont plus commandées par le cerveau. L'intellect, lui, reste vif et en éveil.

          Quelques mots sur l'atelier. L’atelier n’était pas un capharnaüm ; bien que depuis des années, il n’avait pas été réellement rangé. Madame Anthoons devait sûrement y faire un peu de ménage, mais je pense qu’il n’aimait pas trop ça.

Vue de l'atelier à Charenton en 1955           DSC03985.JPG

 

A mon époque, il ne travaillait plus ni le bois ni la pierre. Il poursuivait plus simplement des recherches à partir de dessins réalisés des années auparavant sur des projets de sculptures en aluminium brossé, soit fixe sur socle, soit mobile. Surtout il ne voulait pas que ses sculptures brillent. Dans la semaine, il avait dessiné sur la tôle les traits pour la découpe de la scie électrique. Je mettais ainsi en application les cours du lundi matin avec ses propres travaux ayant en direct toutes les explications ad hoc concernant la lumière, les rotations de la sculpture dans l’espace, la richesse de la matière. Il aimait travailler en musique, on n’était pas encore à l’ère du compact disque, aussi un petit mini-cassette distillait en fond sonore, du Bach surtout, principalement l’Offrande musicale et l’Art de la fugue. Cette musique lui apportait une profonde sérénité et ne le gênait pas dans sa concentration, bien au contraire, je pense qu’elle l’aidait à mettre ses différents sens en éveil. Elle participait pleinement à son élan créatif.

         

Equilibre cosmique 1955 Alumùinium.jpg

 

Equilibre cosmique. Aluminium. 1955

Chaque samedi, pendant deux années scolaires (1974-1976), je suis venu dans son atelier. C’était toujours une grande joie, même si le trajet pour m’y rendre était un peu long comme je le disais plus haut. Il régnait un grand calme dans cette maison, nous avions l'habitude de travailler jusqu’à 16 heures 30 précises, puis il y avait la pause du thé, très importante, que Madame Anthoons agrémentait de quelques biscuits, nous discutions du travail de la semaine à Estienne, puis nous nous remettions au travail jusqu’à 18 heures. Il me donnait un petit billet. J'étais heureux. Puis, je repartais…

          Au cours de la seconde année, j'ai souvenir de quelques séances sur la fabrication de socles en marbre prévus pour des sculptures achevées. Je ne sais plus où devait avoir lieu cette exposition, mais je n’arrivais pas à mettre plan ces fameux blocs de pierre, s'il ne montrait pas son agacement, je n’en ressentais pas moins quelques énervements intérieurs... La difficulté, c’était de « faire » à sa place, puis qu’il ne le pouvait pas, il fallait donc comprendre sa démarche, et essayer de deviner quels gestes il aurait voulu que je trouve pour arriver à un résultat identique au sien. Avec un peu de patience, on a vite fini par se comprendre !

 

          Lors de notre dernière rencontre, il avait préparé toute une série d’outils pour la taille du bois et de la pierre. Il y en avait beaucoup. C’était son cadeau d'adieu, il me les a offerts. Comme si nous ne devions plus nous revoir.

 

        En décembre 1982, sa femme m'a prévenu qu'il était très malade et grabataire à l'hôpital de Charenton. Je tenais à le revoir une dernière fois, or elle ne souhaitait pas que je le vois dans cet état. J'ai pourtant insisté et elle m'a accueilli à l’hôpital. Je l'ai donc revu très amaigri, presqu’un squelette sous un grand drap blanc... M'a t'il reconnu ? Je ne sais. Nous avons passé un petit moment ensemble sans parole. Il est mort une dizaine de jours plus tard d’un œdème pulmonaire.

 

        Son souvenir reste présent à la maison. Quelques cadeaux ont noué définitivement cette amitié : deux dessins offerts, puis un magnifique catalogue d’une exposition sur l'Art Médiéval qui avait eu lieu en 1972 en Belgique, pour ma réussite au BTS d’Estienne. Enfin et surtout ses outils (une trentaine dont sa massette) avec lesquels j'ai beaucoup travaillé. Anthoons ne donnait pas facilement, alors comment ne pas être touché par tous ces dons.

 

contestation. 1971

           Contestation, 1971. bois doucié, 35 x 23 x 5 cm

Je suis repassé dans cette rue en juin 2003, tant de souvenirs y restaient attachés et puis... la sonnette marchait toujours, petite roulette au centre d'une porte… mais personne n'est venu m'ouvrir.

 

                                                Texte envoyé en 2003 à Monsieur Daloze pour son livre. Texte retouché en Juin 2015

 

 

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Variations Dominique. 1992

Variation 27. Encre de Chine sur Velin d'Arche

 33 x 20 cm 

Hommage à W. Anthoons. (Un bloc de marbre blanc, dont quelques coups de ciseaux ont très largement striés la surface polie.)

 

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                                   W. Anthoons. Galet messager.

                                                   1956. Marbre. 28 cm

 

 

 

                                   

                                     

 

 

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