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Ciels de Paris... Ciels de Philippe Jaccottet...

 

     C'est une rencontre improbable que j'ai voulu réaliser. Partageons ensemble cette note comme un cadeau de fin d'année et le début d'une autre.

     J'ai une admiration tout particulière depuis longtemps pour l'écriture de Philippe Jaccottet (1925-2021), que ce soit ses textes en prose ou sa poésie. C'est vrai, j'aime lire et relire cette écriture que je savoure, sa finesse, sa fluidité, ses images et ses rêveries. Tout me parle. Tout y est simple. Tout y est beau. La campagne, la nature, son écoute de la musique et son regard sur la peinture (Morandi, en particulier) déroulent leurs mots au fil des pages, des mois et des saisons, et de ces recueils qu'il titre "La Semaison".  

     D'autre part, une autre gourmandise, visuelle celle-ci, est celle que nous offre souvent le ciel depuis que nous habitons ce dernier étage. Oserions-nous dire que nous allons jusqu'à tutoyer les nuages ? Certains matins et certains soirs, le soleil nous offre -sans prévenir, bien sûr- des décors, dignes des plus beaux spectacles. Certes, il faut être réactif, et nous le sommes, quand le rouge de l'horizon n'est pas encore à son paroxysme et que quelques minutes plus tard, il bascule dans un rose déjà délavé. L'appareil photo est prêt. Appuyer et cadrer au bon moment reste tout un art. Je pense au forgeron devant sa forge rugissante, tournant et retournant sa pièce de fer sous la braise, or lui seul sait le moment précis où il la faudra retirer du feu pour la frapper à bon escient. Question d'œil, dira l'artiste ! Question d'expérience, soufflera l'ancien ! 

La rencontre improbable, c'était de mettre, d'oser mettre en dialogue, ces textes et ces photos. J'ai glané les premiers dans le volume de La Pléiade qui m'accompagne depuis des années. De l'autre, un choix de photos du lever et du coucher du Soleil, prises au cours de ces derniers mois. Je ne sais si comme au temps du Roi-Soleil, il s'agit du petit ou du grand lever, mais pour nous il s'agit toujours d'un émerveillement sans borne devant ce que la nature peut nous offrir de plus beau dans le ciel de Paris.

C'est aussi une invitation à découvrir et à lire les pages de ce magnifique poète si vous ne le connaissiez pas encore.

 

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 Dimanche 27 août 2023. 19h 38   

Que le jour se retire aux extrémités de la terre,

apparaîtront ces feux sur l'étendue de sombre sable...

Ainsi nous habitons un domaine de mouvements et de distances ; ainsi le cœur

va de l'arbre à l'oiseau de l'oiseau aux astres lointains...   

Les Distances - L'Ignorant (p. 166)

 

 

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Mercredi 22 novembre 2023. 18h 16   

Quelques nuages sont déjà comme de la fumée. Intimité de la lumière dans la chambre, sur le papier blanc qui a son tour est devenu presque rose.

Une enveloppe d'ombre sur les livres, les objets. Rien que le bruit du vent et des paroles.

Bientôt la nuit empêchera d'écrire sans lampe.

Le jour n'habite plus que l'extrême hauteur du ciel. Nous tournons le dos au soleil. 

La Semaison - Carnets 1954-1967 (p. 340)

 

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Lundi 16 octobre 2023. 7h 43   

 

L'aube n'est pas autre chose que ce qui se prépare, encore pur, à brûler ; l'aube est celle qui dit : « attends encore un peu et je m'enflamme » ; le bourgeon de quelque incendie.

Mais celle-ci est plutôt ce que le feu ne touche qu'à distance, ce qui est séparé du feu ou par la distance ou par le temps ou par le souvenir, le mélange de l'ardeur et de la distance, la mémoire de l'amour qui coulerait interminablement en nous. La Tourterelle turque - Paysages avec figures absentes (p.481)

 

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lundi 18 septembre 2023. 18h 38   

 

La lumière du jour s'est retirée, elle révèle, à mesure que le temps passe et que j'avance en ce jardin, conduit par le temps

                                                                                                  autre chose

- au-delà de la belle sans relâche poursuivie, de la reine du bal où nul ne fut jamais convié, avec ses fermoirs d'or qui n'agrafent plus nulle robe-

autre chose de plus caché, mais de plus proche...

À la lumière d'hiver II (p. 576 )

 

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Vendredi 25 août 2023. 19h 44   

 

Une étendue animée, accueillante, rassurante, fraîche. La terre qui se modifie en surface, sous le ciel , qui se divise, s'allège, s'anime et monte. On ne saurait parler d'un chant ; à peine d'un chantonnement. Si près de nous. Si simple.

Le soir, la tranquillité encore claire du long soir, l'aisance du grand ciel argenté, où filent les oiseaux...

Beauregard – Trois fantaisies – Mai (p.707)

 

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Lundi 2 octobre 2023. 7h 29  

Enfin, ce chant matinal des oiseaux fait penser, peut être un peu moins précisément, à des lumières qui s'allumeraient, d'abord éparses, puis de plus en plus nombreuses, aux premières étincelles d'un feu qui bientôt va prendre. Encore que là, à cause de la couleur rouge, on s'éloigne ; car tout ce qui se passe alors, avant le jour est sans couleur, ne peut être que noir, ou blanc, ou gris. Lueurs de outils, des lames, brillant de l'eau, passages de brumes, ou quelque fois elle enveloppe tout le paysage, elle flotte autour de la maison et ne sera dissipée qu'avec la force du soleil.

La semaison III - Juin- Dans le tilleul en fleur (p.990)

 

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Mardi 8 août 2023. 20h09

Ainsi redécouvre-t-on, quelquefois, l'étrangeté des nuages. A la fin d'une journée qui a été très chaude, alors que le soleil est encore haut dans le ciel, celui-ci s'assombrit rapidement à l'ouest, en même temps que se lève avec soudaineté un vent violent ; en un pareil moment, on voudrait avoir pu discerner le lieu exact où il a commencé à souffler, sa source - comme une rivière.

(...) Du coup s'anime le spectacle du ciel. Au dessous du zénith resté d'un bleu pur, les plus beaux nuages, probablement des cirrus, sont d'immobiles lanières blanches ; au-dessous et au-devant desquelles passent, venues du nord, de lourdes masses grises ou ocre, épaisses, dont les formes, quand elles se détachent de la couche la plus basse, la plus stable aussi, changent rapidement, s'effilochent, s'éclaircissent.

(...) Ils avancent d'ailleurs très vite, mais avec une espèce de majesté, d'ailleurs rapidement entamée. On ne sait trop à quoi les comparer pour rendre compte de l'émotion qu'ils vous donnent, vaguement enthousiaste ; comme on en éprouve, serait-ce à son corps défendant, devant n'importe quel cortège.

Nuages (p.1124)

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Samedi 19 août 2023. 20h27

Couleurs du ciel hier soir, sous des nuages de cendre et de neige pesants comme des montagnes : du rose, du jaune et du vert ; plus exactement, du presque rose, de l'à peine jaune et de l'à peine vert, des bandes de soie superposées de la nuance la plus délicate, transparente, doucement lumineuse avant l'obscurité - des fleurs allongées côte à côte avec soin dans un cageot invisible - une muette invitation à rejoindre Flore à l'horizon.

Ce peu de bruits (p.1259)

DSC00430.JPGMercredi 27 décembre 2023. 9h09

          1

Au lever du jour

est mêlé du sang

 

La plus douce blancheur

m'est apparue la troublée

 

La source de l'aube

Est un lait plein de trouble

          2

Le tout commencement

est dans l'eau pure

une flamme qui monte

 

Sous la peau de l'air endormi

un rêve qui  prend feu

 

          3

Ce mouvement presque invisible

sous la brume

comme si là-bas

s'envolaient des oiseaux

Airs - Lever du jour (p.441)

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Lundi 25 septembre 2023. 20h15

Il se peut que la beauté naisse quand la limite et l'illimité deviennent visibles en même temps, c'est à dire quand on voit des formes tout en devinant qu'elles ne disent pas tout, qu'elles ne sont pas réduites à elle-même, qu'elles laissent à l'insaisissable sa part. Il n'y a pas de beauté, du moins pour nos yeux, dans l'insaisissable seul, et il n'y en a pas dans les formes sans profondeur, complètement avouées, déployées. 

La Semaison -  Carnets 1954 - 1967 (p. 354)

 

 

 

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Lundi 11 septembre 2023. 19h09

Fruits avec le temps plus bleus

comme endormis sous un masque de songe

dans la paille enflammée

et la poussière d'arrière-été

 

Nuit miroitante

 

Moment où l'on dirait

que la source même prend feu

Airs -oiseaux, fleurs et fruits (p. 431)

 

Philippe JACCOTTET.   œuvres  2014  Coll. La Pléiade  Gallimard

Photos : Appareil Sony 3.5 - 6.3/4.3 - 129   (D. Fournier - photos non retouchées )

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Chers Dominique et Françoise
    Merci pour les merveilles partagées et sainte et bonne année avec toute mon amitié et ma prière. De tout cœur je vous embrasse. Sr Laurentia

  • Meilleurs vœux à tous deux et merci pour ce partage. Moi aussi, je suis sensible à la course des nuages et aux histoires variées que le ciel donne à lire. Le littoral normand a beaucoup à offrir de ce côté -là. J'ai d'ailleurs consacré un chapitre aux cieux dans ma série de romans pour enfants...
    A bientôt par ailleurs !

  • Quelle belle idée ce rapprochement entre ciels et mots!
    je suis tellement heureuse qu'un couple d'artistes ait su attraper au vol ce logement fantastique en plein Paris!
    Contemplation à toute heure - j'espère que vous organisez des terrasses-parties pour vos amis et qu'ensuite vous parvenez à vous en débarrasser!!
    N'oublie tout de même pas qu'il n'y a pas de parachutes à tes rêves Dominique et qu'on rejoint le métro à pieds...
    Baisers à tous les deux en espérant faire chaise longue chez vous de loin en loin...amicalement Françoise Since

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