« Tout était promis à la destruction ! » (Jacques Burtin)
Ces mots, à eux seuls, suffisent à dire la peur qui peut étreindre tout artiste quand, un jour, celui-ci viendra à disparaître... Éric Le Blanche (1951-2016) y a-t-il seulement songé dans les derniers instants de sa vie, lui qui, secrètement, a peint durant toute son existence ?
Décédé dans la plus grande solitude d'un Ehpad, ne risquait-il pas à son tour d'être l’un de ces artistes dont l'œuvre se voit un jour côtoyer le fracas de la destruction et le silence de la disparition ?
« Il faut sauver le peintre Éric Le Blanche ! »
Cette phrase a résonné dans la tête de Jacques Burtin, un certain jour de 2018, puisque prévenu par un ami, il fut l'un des rares témoins à pénétrer dans ce lieu de création qu'était la Villa Palatine, à Vouvant, en Vendée.
C'était la maison d'Éric Le Blanche.
"(...) Après tout,
Quel est le rôle de l'art?
C'est d'essayer de tirer
quelque chose du
chaos de l'existence."
Francis Bacon
Pénétrer dans cette demeure revenait à entrer dans un monde mystérieux, haut-lieu d'une création totale, espace inviolé depuis le décès de son propriétaire et se retrouver ainsi face à face, si l'on peut dire, devant une personnalité originale qui se révélait soudain aux yeux des visiteurs.
Découvrir et s'extasier devant ces murs presque totalement recouverts de fresques, et voir presque dans toutes les pièces étaler au sol plusieurs dizaines de milliers de dessins, de peintures sur papier et sur carton. Tel fut le constat de mes deux amis, Jacques Burtin et Françoise Murillo.
Jacques et Françoise, convaincus par l'importance de leur découverte, ont entrepris dès lors de veiller, sans se lasser, et depuis plus de sept ans, au rayonnement de l'œuvre de ce peintre.
Expositions, colloques, films, livres... Rencontres avec des écrivains et d'autres peintres, et non des moindres, Sylvie Germain, Marie Morel, Jacqueline Kelen...
Ainsi pour la sortie de ce grand livre d'art : Éric Le Blanche, à la fois biographique, mais aussi enrichi d'une iconographie remarquable, écrit par Jacques Burtin, et même mis en page par lui-même (et osons-le dire : Quel beau travail !), je vous propose d'en tourner quelques pages pour découvrir les facettes multiples de cette œuvre si originale.
Qui était Éric Le Blanche ?
Bien que né à Neuilly-sur-Seine en 1951, c'est à Vouvant, village de Vendée, qu'il passe sa vie, placé dès l'âge de cinq ans chez une de ses tantes. Une période difficile. Sa mère le rejoint quand il a onze ans. Une scolarité normale jusqu'au brevet, puis des études par correspondance... Malheureusement, sa mère, qui semble son seul appui, meurt quand il a trente-deux ans. Sentant déjà la fragilité de son fils, elle le place alors sous tutelle.
Quant à lui, quelques allers-retours ponctuent ces années-là, entre l'hôpital de la Roche-sur-Yon et son domicile.
C'est à partir de cette période qu'il entame une activité artistique intense, en particulier la décoration intérieure de sa maison. Maison qu'il appellera sa Villa Palatine, il s'attachera alors à peindre d'immenses fresques murales, sur les plafonds, les murs et les portes, et ce, durant une grande partie de sa vie.
« La maison abrite la rêverie, la maison protège le rêveur, la maison nous permet de rêver en paix » Gaston Bachelard. (La Poétique de l'espace - 1957)
Si cette décoration intérieure occupera une partie de son temps, cela ne l'empêchera pas de se lancer à corps et cœur perdus dans une œuvre graphique des plus originales. Se remettre sans cesse au travail semble un maître-mot chez lui...
Et les facettes de sa création ne manquent pas.
Pour preuve, il acquiert chaque semaines deux ramettes de cinq cent feuilles et se lance dans « des séries qui sont basées sur le principe de l'évolution, de la métamorphose » (Jacques Burtin).
Ainsi un visage peut devenir un vase, un oiseau ou une fleur...
Au fil des mois ce sont des milliers de pages recouvertes d'un graphisme rapide, dessiné soit au stylo-bille soit au pinceau. L'encre et l'aquarelle participent à ce dessin plus ou moins figuratif. Avec une certaine préférence pour le bleu, et un bleu léger et transparent....
Beaucoup de sculptures en terre (non cuites), mascarons ou statuettes, n'ont malheureusement pas résisté aux affres du temps. Elles aussi partiellement recouvertes de quelques touches de peinture bleue. Celles qui ont échappé à la destruction témoignent néanmoins d'une grande maîtrise de cet art de l'argile.
De quel message est porteur l'œuvre d'Éric Le Blanche ? Sincèrement et personnellement, je ne pourrais pas vraiment le dire. Par contre on peut dire que cette œuvre est mue par un idéal, celui de la beauté, celui de la quête de la figure féminine, et au-delà, une quête mystique et spirituelle. C'est dans la solitude qu'il travaillait, qu'il écrivait, qu'il lisait. On a retrouvé un certain nombre d'écrits, un carnet recouvert d'une écriture appliquée où Dieu se mêle aux sophistes grecs... Les nombreuses rencontres avec le curé de Vouvant, l'abbé Parois, une des seules personnes à l'avoir véritablement écouté, lui ont permis de parcourir un chemin spirituel, que nous n'avons pas à juger, jalonné d'auteurs chrétiens comme Teilhard de Chardin ou Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.
Ses très et trop rares poésies témoignent, elles aussi, de cette quête d'absolu et d'un certain amour.
La mère
Penchée sur le berceau
Elle sourit à Dieu et à son père aussi
D'un vivant plaidoyer afin que la vie dure
Dehors sonnent les cloches
Les humbles près du feu se chauffent à l'éternel
Bienfait du Firmament
Aux étoiles qui meurent, éternelle vertu
La matière est consciente tout imbibée en Dieu
Et plaise que les étoiles
La matière et puis Dieu
Se fassent des éloges afin de continuer
De courtiser l'amour, le bleu et puis le rouge.
« Je considère, en vérité, que tout ceci et cela appartiennent à Dieu, ainsi s'il lui plaît, quelle que soit sa raison de me les reprendre, qu'il soit fait selon sa volonté infinie et sage ! » (extrait d'une lettre adressée à l’une de ses cousines.)
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Deux portes peintes de la Villa Palatine, sauvées par l'Association ELB.
Le livre de Jacques Burtin, accompagné des photos de Françoise Murillo, analyse de manière méthodique toutes les différentes facettes de l'œuvre d'Éric Le Blanche. Une œuvre qu'ils cherchent, comme je le disais ci-dessus, à faire vivre par des conférences, des expositions en France et à l'étranger.
L'aventure se poursuit encore aujourd'hui avec une année 2026 au planning bien rempli.
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En 2023, Jacques Burtin et Françoise Murillo ont eu l'heureuse idée, « pour créer des ponts », lors d'une exposition d'Éric Le Blanche, d'inviter douze artistes de leurs connaissances, à créer « une œuvre » (Textes, peintures ou sculptures) qui entrerait en résonance avec le travail d'Éric Le Blanche. Chacun s'y est appliqué en essayant d'offrir le meilleur de lui-même.
Pour ma part, j'avais présenté ce travail sur carton. « Arbre de vie ». De grande taille, cette œuvre présentait en son axe central, un tronc constitué d'une centaine de cannelures, (la tranche du carton.) rappelant les milliers de feuilles dessinées et empilées sur le sol de la Villa Palatine.

L'Arbre de Vie - 2020 - carton, 120cm x 80cm.
L'arbre, quant à lui, symbolise le jardin qui entoure la maison, et serties dans son feuillage une étoile et les initiales ELB.
De cet arbre tombent, comme des fruits mûrs, les mots du poème cité ci-dessus.
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Les mots de Sylvie Germain disent, dans cette langue poétique qui n'appartient qu'à elle, ce que fut l'œuvre si libre de cet artiste retiré du monde.
« Éric Le Blanche était épris d'une flamme, translucide et ardente - celle qui a fini par ondoyer dans ses dessins, esquissant une constellation de visages aux yeux clos sur des songes bleu d'azur, blanc de lait, gris de lin, de nus labiles et soyeux comme des nuages rayonnants de lumière. Il n'y a plus de « projet », en effet, il répand ses dessins comme un semeur ses graines, mais sans attente d'une récolte, sans souci du moindre gain. Semer lui suffit. » Pour Éric Le Blanche, p. 48 Sylvie Germain.
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Deux monographies sont actuellement disponibles :
Éric Le Blanche, Le Prince-Ermite de Vouvant – Texte de Jacques Burtin, photographies de Françoise Murillo
aux Éditions Jacques Burtin (2021).
192 pages au prix de 25€ (format 22,5 x 22,5 - couverture souple).
On peut trouver ce livre à la Halle Saint-Pierre à Paris 75018 01 42 58 72 89
Avec les contributions de Julien Boureau, Marie Morel et Christian Noorbergen, et douze œuvres créées en hommage à Éric Le Blanche par douze artistes contemporains.
Éric Le Blanche – Texte de Jacques Burtin, photographies de Françoise Murillo, préface de Diane de Selliers.
aux Éditions Jacques Burtin (vient de paraître).
350 pages, 380 illustrations. Prix de lancement : 130 euros (format 25 x 34 - couverture cartonnée)
On peut trouver ce livre à la Halle Saint-Pierre à Paris 75018 01 42 58 72 89
Un magnifique livre d'art, accompagné de très nombreuses illustrations pleine page...
Certainement le plus bel ouvrage sur cet artiste.
Avec des contributions de Sylvie Germain, de Jacqueline Kelen, de Michael Scrive, de Christian Bobin, d’Enza Palamara et de treize artistes (Marie Morel, Francis Coffinet, Dominique Fournier, Camille Lecardonnel, Eva Vlavianos…)
Trois autres livres abordent aussi l'œuvre d'Éric :
Pour Éric Le Blanche – Un dialogue entre Sylvie Germain et Jacques Burtin
aux Éditions Jacques Burtin (2023).
84 pages au prix de 25€ (format 22 x 22 - couverture souple)
Sylvie Germain et Jacques Burtin se penchent sur la destinée d'Éric Le Blanche et de son œuvre, entre poésie et mystique. Deux séries de dix Métamorphoses encadrent cette conversation. Un biographie illustrée d'Éric Le Blanche complète l'ouvrage.
Sous le signe de la Fée – Texte de Jacqueline Kelen
aux Éditions Jacques Burtin (2023).
72 pages au prix de 25 euros (format 22 x 22 - couverture souple)
Dans ce texte inédit, Jacqueline Kelen se penche sur le parcours d’Éric Le Blanche et des artistes qui, comme lui, œuvrent aux confins du visible. Elle évoque la figure de la fée Mélusine, familière au peintre et à son œuvre ; chemin faisant, nous croisons les ombres d’André Breton et de Gérard de Nerval, de Fellini et de Malraux. De nombreuses photographies des fresques disparues de la Villa Palatine et un choix d’œuvres sur papier accompagnent cette méditation.
L'Atelier du monde – Texte de Jacques Burtin – Postface de Jacqueline Kelen.
aux éditions Jacques Burtin (2023).
84 pages au prix de 25€ (format 22 x 22 - couverture souple)
Cet ouvrage présente vingt-trois dessins inédits d’Éric Le Blanche (1951-2016). Accompagnés de vingt-trois poèmes de Jacques Burtin, ils sont précédés d’une méditation de Jacques Burtin sur la création artistique à la lumière des écrits et de l’œuvre du peintre, et sont suivis d’un texte inédit de Jacqueline Kelen : Âme qui vive.
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Tous ces ouvrages sont disponibles sur le site des Éditions Jacques Burtin :
Plus de renseignements sur Éric Le Blanche dans le site qui lui est consacré :
Commentaires
Avec toi ,on découvre plein de belles choses!
Merci Dominique de nous faire partager tes découvertes.
Je t'embrasse