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Aller à la rencontre de Charlotte Delbo...

Il y a, dans nos vies, des hommes et des femmes que l'on aurait aimés particulièrement rencontrer.

Oui, c'est vrai, j'aurais aimé rencontrer Charlotte Delbo.

Peut-être trop intimidé, qu'aurais-je eu à lui dire ? Une rencontre de cinq minutes, allons, disons, une heure ! L'écouter surtout*. Elle fait partie de ces femmes dont l'histoire incroyable de leur vie me laisse sans voix ou presque. Je repense, tout d'un coup à cette après-midi où j'ai accueilli Madeleine Riffaud, dans mon rayon à La Procure, à Paris. Elle aussi grande résistante, dans la lignée des Germaine Tillion, Lucie Aubrac, et Geneviève de Gaulle... et des milliers d'anonymes... Ce moment a illuminé ma journée, je m'en souviens encore et ne suis pas prêt de l'oublier. Elle fait partie de ces femmes d'exception.

La lecture de tous les livres de Charlotte et de sa biographie, m'ont permis de me faire une idée, une petite idée, mais une belle idée quand même... de qui était cette femme.

* Voir plus bas, interview avec Jacques Chancel.

 

      Avant de poursuivre qu'il me soit permis d'ouvrir une parenthèse plus personnelle.

     Je suis d'une génération née dans les années cinquante qui n'a pas connu la guerre. Nos parents, et ce fut le cas des miens, jeunes adultes au cours de ces années noires furent nos premiers témoins. Marqués parfois, ils avaient eu à souffrir de peurs, de privations, de voir leurs amis disparaître un beau jour dans une rafle... La mort rôdait au coin de leur rue présente dans une rafale de mitraillette ou un bombardement.

     Je n'ai pas connu cela, fort heureusement, mais nous sommes les enfants de ces heures sombres. J'ai donc été marqué par ces témoignages comme beaucoup d'autres enfants certainement, bien que le silence ne fut pas de rigueur à la maison. On parlait et on en parlait. J'irai jusqu'à dire que l'on retrouvait, dans leurs traits de personnalité, cette souffrance dissimulée, qui allait jusqu'à affleurer à certains moments dans leur principe d'éducation par les réflexions suivantes. "... Ah ! si tu avais été là-bas...." ou "...Si tu avais connu cela..." Ces phrases intimaient alors, de notre part, nous enfants, le plus grand respect !

     Les années ont passé, mais ont laissé plus de souvenirs que de traces profondes.

   Plus tard, j'ai voulu en savoir davantage... J'ai beaucoup lu... Je me souviens avoir trouvé dans une vieille bibliothèque les actes du procès de Nuremberg et d'en avoir lu quelques tomes en entier. Puis des années après, j'ai eu cette chance de travailler dans une librairie où le rayon "histoire" était particulièrement développé m'a permis de constater que cette Histoire était source de parutions nouvelles hebdomadaires. Combien de témoignages et de récits, d'analyses politiques approfondies et de thèses proposées... Je me souviens de tous les livres de Charlotte Delbo rangés, là, sur leur rayonnage.

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     Ma première rencontre avec Charlotte Delbo eut lieu, il y a une quinzaine d'années, lors d'une émission de France-Culture sur le thème de la poésie et de la déportation. On écouta en particulier des textes poétiques extraits du CD : C'étaient des femmes : 31 poèmes de femmes emprisonnées ou déportées. C'était la première fois que j'entendais de la poésie en lien avec la déportation. Ces textes avaient une portée encore plus forte que les textes en prose que j'avais pu lire. Est-ce dans l'écoute ou dans la diction avec laquelle ils étaient dits qui se tenait cette force...

     Ainsi j'ai entendu pour la première fois :

"Je vous en supplie faites quelque chose apprenez un pas, une danse, quelque chose qui vous justifie, qui vous donne le droit, d'être habillés de votre peau de votre poil, apprenez à marcher et à rire parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez
sans rien faire de votre vie "

in "Une connaissance inutile"

     Je n'ai jamais oublié ce texte.

 

     Dix ans plus tard, et comme une anecdote, on m'a apporté un beau matin à la Procure, dans mon rayon, une pile de ce disque, dont on avait retrouvé, je ne sais où, une bonne trentaine d'exemplaires. Ce fameux CD "C'étaient des femmes", qu'il fallait vendre à tout prix, ce fût le cas de dire ! Voici un produit difficile à vendre au premier venu. Vous en conviendrez. Mais avec patience et en baissant le prix mois après mois je finis par les vendre tous !

 
podcastTexte de Charlotte Delbo extrait de "C'étaient des femmes"

     Charlotte Delbo est décédée en 1985, l'affaire se trouve donc entendue, il me faudrait désormais faire le nécessaire pour aller à sa rencontre.

(Elle était un 10 août... comme moi...mais en 1913) C'était un petit signe...

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Voici le tableau présenté à la mairie dans le cadre du Salon des Artistes du XVème.

et que j'ai intitulé : "Hommage à Charlotte Delbo"        (Technique mixte sur toile synthétique)

 

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Autres moments forts : Retrouver "ses" lieux dans un Paris, qu'elle aimait tant. 

En voici trois parmi d'autres :

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8 bis Rue Blomet 75015, où elle avait un studio

pour accueillir ses amis juste après la guerre. 

 

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DSC01368.JPG    33 rue Lacépède 75005   où elle vécut de 1960 à 1985

                                                        (Appartement au septième étage)

 

93-95 rue de Faisanderie.JPGDSC01385.JPG 

93 -95 Rue de la Faisanderie 75016

Lieu où furent arrêtés, comme l'indique cette plaque

Georges Dudach et Charlotte Delbo.

 

 

 

     Pour qui souhaiterait une courte biographie, je ne fais que recopier, ici, la quatrième de couverture du livre de Violaine Gelly et Paul Gradvohl : Charlotte DELBO

     Secrétaire de Louis Jouvet, résistante communiste, elle est arrêtée en 1942 par la police française en compagnie de son mari, Georges Dudach, fusillé quelques mois plus tard. Elle a 28 ans et lui dit adieu dans une cellule de la prison de la Santé. Ce qui l’attend, elle, c’est la déportation : elle fait partie du convoi du 24 janvier 1943, le seul convoi de femmes politiques à avoir jamais été envoyé à Auschwitz. Sur les 230 déportées, seules 49 reviennent, après 27 mois de captivité. Charlotte Delbo se jure alors d’être celle qui témoignera de l’incroyable sororité qui les a unies et leur a permis de survivre. Dans toute son œuvre – en prose ou en vers –, elle dit et célèbre le courage de ces femmes. Militante passionnée des droits de l’homme, elle ne cessera plus de combattre les injustices et de mettre sa plume au service des plus faibles.

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     Grâce à Internet, j'ai pu découvrir sa belle voix au cours de l'interview qu'elle avait accordée à Jacques Chancel dans l'émission Radioscopie du 2 avril 1974.

https://www.youtube.com/watch?v=69iCBeHQ0Sw

 

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                                                                  Août 2017,

DSC00373.JPG     Traversant la Puisaye, cet été, pour nous rendre à Saint-Fargeau, il m'était impossible de ne pas passer par Breteau. Je voulais faire ce pélerinage. En effet, Breteau est ce petit village, où Charlotte Delbo acheta, en 1961, "la gare la plus petite du monde". Désaffectée depuis un certain temps, ce lieu emblématique deviendra au fil de ses dernières années son havre de paix et son refuge. Elle s'attachera à faire revivre ce bâtiment comme au bon vieux temps, allant jusqu'à remettre en place les bancs dans la salle commune, tandis que sur la façade principale, elle avait pris soin de replacer la plaque en bois bleue du nom de ce village "Breteau". Au dehors, on devine encore la trace des rails. On sait combien cette gare symbolisait pour elle une autre gare, ô combien plus terrible, qui n'était pas une gare de passage mais plutôt "une gare de triage", pour être finalement un terminus vers la mort.

     Aujourd'hui, l'ensemble des bâtiments, assez éloigné du village, semble presque englouti parDSC00375.JPG les bois qui ont tellement poussé. Une pointe de mystère auréole ces lieux, et je ne sais, aujourd'hui, qui habite cette petite maison posée là dans l'herbe verte d'une ancienne clairière, attendant avec impatience qu'à nouveau ses volets s'ouvrent en plein vent.

     Je me suis assis, seul, sur la margelle de l'ancien quai et j'ai lu au vent un ou deux poèmes de Charlotte.

 

 
podcastTexte de Charlotte Delbo extrait de "C'étaient des femmes"

                                                                                                          c c

  

Je signale à votre intention :

     Deux biographies écrites ces dernières années m'ont aidé à découvrir sa vie et ses textes.

     Celle de Violaine Gelly et Paul Gradvohl : Charlotte DELBO, chez Fayard, parue en 2013, que je trouve excellente.

http://www.fayard.fr/charlotte-delbo-9782213663128

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     Celle de Ghislaine Dunant : Charlotte DELBO : le vie retrouvée. Parue en 2016, chez Grasset. Excellente aussi, mais un gros livre de 597 pages qui puise essentiellement dans les propres écrits de Charlotte Delbo pour tisser moins la trame d'une biographie qu'une plongée dans la puissance créatrice des textes. Une touche plus introspective, et pleine d'empathie de la part de l'auteur. Un éclairage qui cherche à dire l'incommunicable, un ton plus personnel, une touche très complémentaire à la première biographie.

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Un livre-lu, sous forme de CD devenu malheureusement introuvable dans le commerce-boutique (et pour cause... j'ai dû vendre les derniers) mais encore en vente sur internet :

C'étaient des femmes : 31 poèmes de femmes emprisonnées ou déportées. SLM151 de 2003

Disponible dans quelques bibliothèques municipales parisiennes.

Mais il existe aussi sous forme de livre papier. Même titre, encore disponible, lui aussi.

 

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Enfin, vient de paraître, le dernier livre de Valentine Goby : "Je me promets d'éclatantes revanches" éditions de l'Iconoclaste, août 2017. Une lecture intime de Charlotte Delbo.

Livre magnifique à l'écriture lumineuse et profonde, c'est un livre suffisamment court, 150 pages environ, pour que l'on ait envie de le lire et le relire, presque dans la foulée. (La mise en page et la typographie aident à entrer dans ce livre qui demande une malgré tout une attention soutenue.) La trame : le récit d'une rencontre à laquelle Valentine Goby ne semblait pas s'attendre, cette amitié naissante a traversé sa vie au cours des longs mois d'écriture. Mais c'est aussi une réflexion sur l'écriture, sur la transmission des actes par des mots. Des pages à relire "et" à méditer...

Dans le premier chapitre, on peut lire :

" Charlotte Delbo est devenue une compagne de route, un élément de mon paysage intime. Je chuchote son nom comme un talisman et me désole de la méconnaisance qui entoure encore son oeuvre."

Quant à la fin du livre, voici le dernier paragraphe :

"Et comme l'amoureuse dont la langue ne tarit pas sur l'objet de son coeur, je voudrais par ce livre susciter, par contagion irrésistible, le désir de connaître Charlotte Delbo, et de l'aimer."

 Je me permets de renvoyer à deux sites internet qui ouvrent d'autres horizons sur cet ouvrage. Le premier offrant même la lecture du premier chapitre.

https://www.editions-iconoclaste.fr/app/uploads/2017/03/N5233_Je-me-promets_1e-5-12.pdf

https://www.leslibraires.fr/livre/11596929-je-me-promets-d-eclatantes-revanches-valentine-goby-l-iconoclaste

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Commentaires

  • Merci Dominique, c'est très intéressant !

  • Grâce à toi je découvre plein de gens intéressants.Merci

  • bonjour Dominique
    merci pour tout ce travail dont tu nous fait profiter... et qui nous permet de belles découvertes !
    J'étais rue de rennes, lorsque j'ai vu au loin de la fumée très noire et très haute monter dans le ciel de saint germain des près... je ne savais pas que c'était la librairie ... quelle tristesse !
    a bientôt sur un banc du Luxembourg pour un pique nique automnal... ! Christine

  • Merci Dominique de nous partager tes coups de coeur, tes découvertes et de nous donner de belles idées de cadeaux de Noël !
    Pascale

  • Bel hommage exposé à la mairie!
    Bravo!

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