Quelle chance d'avoir pu au cours de ces vingt dernières années travailler dans le milieu de la vente du disques. Proposer aux clients, qui se fidélisaient au fil des années, des disques nouveaux, des disques dont ils n'avaient jamais entendu parler, des disques de compositeurs rares et dont certains d'entre eux, malheureusement, sont retournés ou restés dans l'anonymat des musiciens disparus à l'ombre des temps anciens...
Quelle chance, aussi, d'avoir pu durant huit années travailler en étroite collaboration avec la revue Magnificat, où une petite page chaque mois me proposait de présenter deux disques. Ainsi plusieurs centaines de disques se sont retrouvés "chroniqués" pour le plus grand plaisir des lecteurs, et le mien, je l'avoue. Joie de les voir arriver dans mon rayon de La Procure (Paris) avec leur feuille découpée dans la revue.
Ne vous est-il jamais arrivé de vous dire : "Si je devais partir sur une île déserte, quels seraient les dix livres ou les dix Cd que j'emporterais dans mon sac à dos..."
Aussi, je vous propose, aujourd'hui, "mes" 10 Cd. Quelle torture, quand je songe à tous les autres.... Mais, puisqu'il n'en faut que 10 Cd...
Alors, allons à la rencontre de Sturla, Richafort, Pedrini, Rovetta et quelques autres plus connus.
Téodorico PEDRINI (1671 - 1746)
Concert baroque à la Cité Interdite. XVIII-21 Musique des Lumières.
Il est difficile de raconter la vie de Pedrini, tant elle fut extraordinaire à tous points de vue. Sa biographie est sortie en livre sous le titre : Le mandarin blanc de Jacques Baudouin chez Lattès
... Rome, 1702. Le pape confie au père lazariste Teodorico Pedrini la plus extraordinaire des missions. Compositeur, claveciniste de renom, il doit se rendre en Chine afin d'oeuvrer à la conversion du Fils du Ciel, Le Mandarin blanc est le roman de cette aventure qui mènera Pedrini, à travers océans et continents, jusque dans l'Empire du Milieu. De Saint-Malo aux rivages du Pérou, de Mexico à Manille et Macao, son voyage durera sept années faites de découvertes et d'exotisme, d'amours et d'amitiés, de grâces musicales et d'interrogations brûlantes sur Dieu et sur le monde. (Extrait de la quatrième de couverture)
Son adversaire à la cour de l'empereur était le Père Joseph Amiot, le jésuite.... Une rivalité musicale, une rivalité d'hommes et une rivalité de congrégations...
Heureusement le disque réunit pour une belle complicité, ces deux compères dans un récital tel qu'il aurait pu être entendu à la Cité Interdite.
Le premier morceau de J. Amiot sj. est dans le style chinois. Une flûte, joue, seule, dépaysement au pays de la soie...
Premier "divertissement chinois". Flûte : Jean Christophe Frisch
T. Pedrini emboîte le pas. La flûte et le clavecin nous prennent alors par la main pour un moment d'extrême délicatesse à la fois de danses et de rêverie. En voici les deux premiers mouvements.
Sonate VII en Si bémol majeur (Flûte et basse continue)
Flûte : Jean Christophe Frisch et clavecin Martine Chappuis
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Sylvius Leopold Weiss (1687 - 1750)
Sonates pour Luth Vol. 4 Robert Barto, luth (Naxos)
Quel luthiste exceptionnel, que ce Weiss, contemporain de J.-S. Bach, au point qu'il sera bien difficile de faire un choix parmi les dizaines de sonates enregistrées chez Naxos.
Certains vont jusqu'à penser que le grand Jean-Sébastien Bach a écrit ses sonates pour luth à son intention...
Je vous propose donc, deux danses extraites de la sonate n°21 en fa mineur de Sylvius Leopold Weiss
Bourrée de la sonate 21
Gigue de la sonate 21
On se réjouira de la finesse et de la précision du jeu de Robert Barto, lui-même servi merveilleusement par une prise de son assez proche. L'instrument prend alors une rare présence. J'aime particulièrement cette interprétation que j'écoute très souvent. Tous les albums de Robert Barto, pour les sonates de Weiss, sont de cette magnifique qualité ! (Pour mémoire, Naxos est une des maisons d'édition dont les prix du Cd sont les plus bas, moins de 10 euros)
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(Je reprends ici le court article écrit pour le Blog de la Procure)
Carlo Sturla (18°s.), une passion pour le Vendredi Saint
Passion selon Saint-Jean. (Brilliants Classic)
Un portrait difficile à peindre, car cet italien de la première moitié du 18° siècle semble avoir traversé le ciel de Gênes tel une flèche, puisqu’en dehors de quelques pages conservées à la bibliothèque du conservatoire de cette ville, on ne connaît rien de sa vie ! Etrange destin, donc, de ces compositeurs qui finissent par être aussi anonymes que les sculpteurs de chapiteaux du Moyen- Âge.
Cette passion, qui a été écrite pour le couvent Saint Brigitte des Soeurs du Sacré-Coeur, offre une lecture continue du texte de l’évangile de St Jean (Jn 18, 1- avant de se clore étrangement sur la péricope du tirage au sort de la Tunique de Jésus. La mort du Christ en croix n’est pas évoquée : perte des derniers feuillets du manuscrit ou peut-être jamais écrite… qui sait ?
C’est donc dans ce contexte conventuel qu’il faut restituer l’ensemble de ces pages musicales, comme le furent en leur temps les Leçons de ténèbres de Couperin. La communauté avait-elle en son sein les soeurs musiciennes capable d’exécuter cette musique ? Pourquoi en douter au regard de l’effectif souhaité : un petit choeur de neuf choristes, dont deux solistes, et cinq instruments, une viole, un violon, un théorbe, une double harpe et un orgue. Il n’est pas impossible que la communauté ait fait appel à des musiciens extérieurs. A la mère abbesse revenait le rôle principal, celui du récitant, soutenu par un léger continuo à l’orgue. Quelques soeurs, à ses côtés, se partagent les différents rôles chorals.
Et que la musique commence…
Cette lecture de la Passion puise sa magnifique mélodie aux sources grégoriennes et son texte de la Bible Vulgate. D’emblée, on est saisit par la qualité de la diction latine d’Emanuela Esposito, la récitante. Son texte chanté, « le cantus firmus », est comme posé, sans précipitation, dans une longue ligne mélodique fort simple apparemment : toute idée d’ennui, face à ce texte assez long, s’en trouve naturellement écartée. On pourrait presque se passer du petit livret, pourtant utile pour ses explications.
La voix du Christ est confiée à l’alto, équivalent de la basse masculine dans les Passions à choeurs mixtes. Mais surtout, en contraste, s’insèrent, à intervalles réguliers, les différents « Coro », ensembles instrumental et choral composés par Sturla, très colorés, très XVII° oserait-on dire, d’un lyrisme à l’italienne bien présent, mais sans virtuosité excessive. Beaucoup de sentiments sans tomber dans un sentimentalisme exacerbé.
Entendre une Passion, Parole de Dieu, Parole à Dieu, est aussi une invitation à la « revivre » en ce temps de Semaine Sainte. Quand texte et musique sont en osmose à ce point, il est possible de faire nôtre les paroles de Philippe Charru : « L’écoute de cette musique, comme celle de la Parole requiert l’intelligence et le coeur, … (cette musique) développe un mouvement d’intériorisation ». Voilà ce que nous propose cet enregistrement dont vous pouvez écouter trois plages sur les 37 du CD.
Cantus Firmus :Dicit eis Jesus
Recitativo : Jesum Nazarenum
Coro : numquid et tu
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Vespro Solenne Giovanni Rovetta (1596 - 1668)
Vêpres vénitiennes pour la naissance de Louis XIV
Cantus Cölnn (Harmonia Mundi)
En 1638, Venise fêtait en grande pompe la naissance de l'héritier du trône de France, Louis XIV. Rien n'était alors trop beau. Les fêtes durèrent plusieurs jours et la musique tenait un grand rôle. Profane et sacrée... C'est à la suite d'une commande de l'ambassadeur de France à Venise que furent composées ces vêpres par le vice-maître de chapelle de la cathédrale Saint-Marc.
Giovanni Rovetta était le bras droit de Monteverdi, pas moins que cela... et ce sera sous les voûtes de l'église San Giorgio que résonnèrent cet office de vêpres solennelles que l'on considère comme une étape importante dans sa carrière artistique.
Pour être aller à Venise de nombreuses fois, que n'aurais-je donner pour entendre ces psaumes et autre Magnificat sous les mosaïques de Saint-Marc. Je ne me suis contenté que d'une écoute de ce disque sur mon petit baladeur... les yeux posés sur les ors des différentes coupoles, et c'était un enchantement !
Jubilate Deo a 2 (Motetti concertati op.3 1635)
Domine in virtute tua a 3
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Pigs could fly ! (Naxos)
The new London Children's choir
Les cochons pourraient voler ! Est-ce un titre pour un disque ? À quoi devons-nous nous attendre ? Bref, c'est le titre de la première chanson qui donne son titre à ce CD.
Comme je le disais souvent à mes clients -parce que j'en ai vendu beaucoup- mettez ce disque le matin au réveil et vous avez du "pep" pour la journée entière !
Howard Skempton : Pigs could fly
Une chorale de jeunes enfants anglais accompagnés par un piano. Treize compositeurs du XXème siècle. On est pas obligé d'écouter tout le disque d'un coup. Il faut picorer à droite à gauche. Mais toutes ces pièces sont d'une grande fraîcheur. Si Britten est le plus connu des treize avec Taverner, Howard Skempton ou Ronald Corp sont à découvrir...et je passe sur Philip Godfrey et Nicholas Maw...
Cette chorale exécute à merveille ces chansons. Laissez-vous entraîner par son enthousiasme et le mien aussi.
John Rutter : For the beauty of the earth.
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Kora à l'abbaye du Bec-Hellouin
Le chant intérieur. Jacques Burtin (SM/ADF/BAYARD)
La kora est une harpe de l'Afrique de l'Ouest dont les 21 cordes résonnent sur une peau de boeuf tendue sur une callebasse. Cet instrument fabriqué par les moines de Keur Moussa au Sénégal accompagne les psaumes que la communauté chante au cours des différents offices de la journée monastique.
Voici un Cd singulier pour différentes raisons.
La musique composée par Jacques Burtin, que l'on peut entendre ici, s'évade de l'univers du jeu habituel des griots sénégalais. Elle trouve sa propre vie dans de très belles mélodies qu'il a écrites et qu'il interprète. La ballade de l'Île d'Yeu qui ouvre ce disque en est l'exemple-type, elle a été composée en 1986, en souvenir des premières heures passées à découvrir la kora sur cette petite île. J'ai eu la chance de lui donner ses premiers cours, pour que quelques années plus tard l'élève dépasse largement le maître à la plus grande joie de ce dernier.
La ballade de l'Île d'Yeu
Son jeu, même si le son parfois le laisserait croire, n'est ni celui du luth ni de la guitare. Non. Il prend en compte toutes les contraintes imposés par celui de la kora, toucher uniquement avec le pouce et l'index de chaque main, être en présence d'un instrument chromatique...
Jacques Burtin trace son chemin de liberté et d'originalité avec des compositions qui n'appartiennent qu'à lui. À son actif déjà, un certain nombre de disques, tous porteurs du même message, parfois au confluent d'un dialogue déjà éprouvé avec d'autres instruments.
Toutes les pièces de ce disque témoignent de cette recherche d'intériorité qui l'habite et dont beaucoup d'auditeurs, à l'écoute de ses compositions, découvrent à leur tour.
Danse de la nuit L'abbaye sous la neige
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Requiem Jean Richafort ~1480 ~1547
Huelgas-Ensemble Paul Van Nevel (Harmonia Mundi)
Pourtant vénéré et admiré, on ne sait que peu de chose de la vie de ce compositeur qui serait né dans le Hénaut et aurait fini sa vie à Bruges. Ses oeuvres nombreuses sont malgré tout assez peu connues du grand public.
Ce requiem en l'hommage de Josquin Desprez est une pure merveille. Six voix a capella. L'amplitude des voix... A l'écoute cette musique, j'ai l'impression que mes poumons se remplissent d'un air complètement nouveau. On ferme les yeux...
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Jehan ALAIN (1911-1940)
L'oeuvre pour orgue Vol 1 Marie Claire ALAIN (Erato)
Né en 1911 à Saint-Germain-en-Laye et tué au champ d'honneur en juin 1940. La vie de Jehan Alain est courte... Mais, dix années, 1929-1939, suffiront pour faire de lui l'un des plus grands compositeurs pour l'orgue en ce début du XXème siècle. Enfin, il a eu cette chance d'avoir une petite soeur qui s'appelait Marie Claire, Marie Claire Alain, la célèbre organiste, qui a porté haut son oeuvre sur toutes les tribunes du monde.
Je trouve dans cette oeuvre singulière un mélange de l'ancien et du nouveau, de la joie et de la tristesse, des couleurs, beaucoup de couleurs, des mouvements et des enthousiasmes qui se révèlent toujours nouveaux. Il suffit d'écouter cette pièce extraordinaire "les Litanies", que je vous propose.
J'ai depuis mon plus jeune âge été fasciné par l'orgue et j'en connais bien (à l'audition), je l'avoue, tout le répertoire, de toutes les écoles et de toutes les périodes. Ma fréquentation des plus grands organistes, à une certaine époque de ma vie, m'a permis de découvrir, souvent par l'intérieur, aussi bien les instruments que les oeuvres les plus diverses. Écouter la troisième sonate en trio de Bach ou certains chorals de Buxtehude me donnent toujours des frissons... Mais avec vous aujourd'hui, j'associerai volontiers ces "Litanies" à des rencontres marquantes.
"Litanies" jouées par Marie Claire ALAIN sur les orgues Valtrin-Callinet-Schwenkedel de la Basilique Saint- Christophe de Belfort
Proche de la musique grégorienne, sympathisant aussi avec la musique de l'Orient, l'oeuvre de Jehan Alain, pour mes petites oreilles, opère cette synthèse de mondes sonores qui n'en finissent pas de m'émerveiller.
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Johann Sebastian BACH (1685-1750)
Les variations Goldberg BWV985 Gustav Leonhardt (HM)
Aux alentours de 1742, J.-S. Bach composa pour le clavecin une oeuvre commandée par le comte de Kayserling. Ce dernier souffrait d'insomnies et espérait trouver le sommeil par la musique ! Réalité ou légende, toujours est-il que Bach a composé un chef d'oeuvre, un des plus hauts sommet de l'art de toucher le clavecin.
S'il n'y avait qu'un disque... Peut être, serait-ce celui-là....
Pour avoir essayé d'en faire une transcription picturale, car incapable de jouer ces variations sur un instrument, je me suis, pour ainsi dire, réapproprié cette oeuvre, en l'analysant musicalement, mais surtout en l'écoutant des dizaines de fois.
J'en connais les détails, les enchaînements, les mouvements...
Je vous propose la version de Gustav Leonhardt qui m'avait autorisé, à l'époque, à l'utiliser comme bande-son pour le film que Jean Paul Cayeux et le CRDP d'Evreux avaient réalisé sur mon travail à l'encre de Chine.
Je vous propose ici, la 20ème variation, peinte sur toile, agrandie au format de 2m x 3m, qui a été achetée par la Mairie du 15ème arrondissement et placée dans l'escalier d'honneur.
et le début de la partition de la variation 20...
Regardez et écoutez.
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Johann Joachim Quantz (1696-1773)
Concertos pour flûte (naxos)
La flûte comme prolongement du souffle. Quel plus bel exemple que celui de l'andante de la sonate de Bach en mi mineur.
(je ne pouvais m'empêcher de vous faire entendre ce morceau de Bach: Bwv 1034, Ashley Solomon à la flûte et Terence Charlston au clavecin qui a tiré, ici, le jeu de luth.)
Entendre la reprise de son souffle par le musicien après une longue phrase humanise cette musique que l'on croirait venir du ciel... Le jeu sur flûte baroque en bois (ébène ou buis) donne une chaleur au son de la flûte qu'elle ne retrouve pas, à mon avis, avec le métal (argent ou or).
Mais la flûte peut dialoguer avec l'orchestre. Avec Quantz, en particulier.
J'ai découvert ce disque assez tardivement et je trouve dans cette musique, la joie avec ces "allegro"
allegro du concerto en do mineur QV 5.38
et la méditation dans ces "arioso",
Arioso du concerto en d mineur QV 5.81
peut-être même une certaine brillance avec les "vivace", bref, je vous invite à une écoute sans modération. Avec élégance, voici l'un des plus beaux exemples que nous offre le compositeur Quantz qui oeuvrait à la cour du Roi de Prusse, Frédérick II. Ce dernier était un musicien averti pour lequel Quantz a donc composé ces concertos. Ce cd est un enregistrement en première mondiale (2013).
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Ne le dites surtout pas,
Mais dans une poche annexe du sac à dos, j'ajouterai encore ceux-ci... par ordre alphabétique :
...Pour passer la mélancolie
Pièces de clavecin diverses, Frobreger, Clérambault, Muffat...
Andréas Staier, clavecin
Harmonia Mundi
J.-S. Bach Actus tragicus BWV 106, 150, 131, 12
Vox Luminis Lionel Meunier
Alpha
Barbara La femme piano
Philips
Buxtehude L'oeuvre d'orgue Vol.5
Michel Chapuis, orgue
Valois
Couperin Trois leçons de Ténèbres
N. Sautereau et J. Collard L. Boulay au clavecin
Erato
Chopin, Quatre ballades
K. Zimmerman, piano
Deutsche Grammophon
Brahms Sonates pour piano
S. Richter, piano
Praga
Dvorak: Quatuor à cordes n ° 12 en Fa Majeur, "Américain", op. 96
& Quatuor à Cordes en Ut Majeur, op. 61
Talich Quartet
La Dolce Vita
Mahler : Kindertotenlieder
Kathleen Ferrier Wiener Philarmoniker sous la dir. de Bruno Walter
EMI Classics
Messiaen: Catalogue d'oiseaux Livres 1-7 (complet)
Roger Muraro (piano)
Accord
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Commentaires
quelle bonne idée!Je vais courir chercher tout ça chez mon disquaire préféré,s'il les a!!!
merci pour ces conseils avisés.
Joyeux Noël